
THÉÂTRE · CRÉATION
Babette, Vasco, Ayoub, Haby, Abigael, Paloma et Viggo ont entre 14 et 20 ans. Comme la plupart des adolescents, ils sont en quête d’indépendance et de liberté. Ce soir, ces jeunes la cherchent dans la fiction. Sur une scène de théâtre, ou peut-être est-ce sur le sable de la plage artificielle d’Hofstade à la bordure de Bruxelles, ils se mettent à jouer des personnages et à se débattre avec le théâtre. Ils veulent s’essayer à d’autres versions d’eux-mêmes et tentent de jouer avec les rôles assignés par leur environnement social, leur héritage, leur origine socio-économique.
Les sept jeunes se mettent à raconter l’histoire d’une fugue. Et si le lac et la plage artificielle devenaient l’océan atlantique ? Et s’ils construisaient un voilier pour traverser les flots ? Et si..? Les jeunes convoquent un adulte, un acteur expérimenté, un "vrai" interprète. Mais pas de chance, il n’en sait pas vraiment plus.
Est-ce qu’un destin, ça se choisit ?
Dans une soif d’aventures célébrant les révoltes, les joies et les peurs adolescentes, Hofstade explore ce qui circule d’un être à l’autre,bd’une génération à l’autre, d’un voyage à l’autre. Avec pour cap, un questionnement : Est-ce qu’un destin, ça se choisit? Et qu’est-ce qu’on fait quand on n’aime pas le nôtre ? Quelles sont nos marges d’action ?
Ilyas Mettioui travaille régulièrement et avec brio avec des équipes de performeurs et performeuses tant professionnelles qu’amatrices : Hofstade représente une première expérience en tant qu’interprète pour certain·e·s jeunes et d’autres ont, malgré leur jeune âge, déjà une riche carrière à leur actif.
Hofstade est le deuxième volet du diptyque Écume dont la première partie, Knokke-le-Zoute, créée en juin 2022 vous sera proposée en deuxième partie de saison.
Chaque matin, on est jeté dans la suite de ce qu'on a fait la veille.
Dans la continuité de ce qui a été fait avant même qu'on soit né.

Est-ce qu'un destin, ça se choisit ? Et qu'est-ce qu'on fait quand on n'aime pas le sien ?
Si l'on considère que tout est déjà écrit que le destin est déjà figé si l'on considère l'état de notre monde comme l'effet du passé et comme la cause du futur, quelles sont nos marges d'action ? Est-ce qu'on a le pouvoir de changer quelque chose ? Il n'est peut-être pas possible de repousser du revers de la main des siècles d'héritage historique, social et culturel, de changer de paradigme uniquement par une pulsion de révolte. Pourtant il existe peut-être des espaces pour se ré-approprier nos vies, nos façons de vivre. C'est au cœur de cette zone fragile en lutte que le travail d'Ilyas prend forme et qu'apparaît l 'écume.
Écume est une création d'Ilyas Mettioui, faite de voyages et de rencontres autour du thème du destin. Elle s'étale sur plusieurs étapes de présentation distinctes. Nous vous présentons son deuxième volet avant de vous présenter le premier, Knokke-le-Zoute, c'est sans importance pour le sens et la compréhension...
Mise en scène, texte et chorégraphie : Ilyas Mettioui · dramaturges : Zoé Janssens, Tatjana Pessoa · assistante mise en scène : Alice Valinducq · collaboration chorégraphie : Lila Magnin · avec : Benoît Gob, Abigael Kermu, Ayoub Benali, Babette Verbeek, Haby Kasse, Vasco Fiorini, Viggo Ebouele, Paloma Labru · scénographie : Aurélie Borremans · création costume : Rita Belova · création son : Guillaume Istace · création lumière : Guillaume Fromentin · régie générale et lumière : Aurélie Perret · régie son : Sébastien Destrait · téalisation costume et construction décor :Les Ateliers du · Théâtre de Liège
Production : Théâtre de Namur · co-production : Cie Le Boréal, Central, Théâtre de Liège, Théâtre Le Rideau, la COOP asbl et Shelter Prod
Avec le soutien de taxshelter.be, ING et du tax-shelter du Gouvernement fédéral belge · avec l'aide de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Service Général de la Création Artistique - Direction du Théâtre.
ENTRETIEN AVEC ILYAS METTIOUI
Tu mets en scène une équipe comportant un acteur de cinquante ans et surtout sept adolescentes et adolescents. Pourquoi avoir fait ce choix ?
L’adolescence commence souvent par une prise de conscience des injustices. Injustices vécues au niveau personnel, familial ou plus global. C’est là que je situe le moteur, la naissance de cette pulsion à répondre au monde. "Quelle a été la vie de mes parents, quelle image le monde nous renvoie de nous, en quoi mon destin est-il déjà déterminé ?". Si on va à la colonie de vacances organisée par la mutualité socialiste et non à la colonie multi sports c’est parce qu’on n’a pas assez d’argent,
les jeunes le savent, ils ont conscience de leur contexte et c’est essentiel. C’est en prenant conscience de ce qui nous détermine qu’on peut trouver de la liberté. Le plus grand espace de prise de pouvoir sur son destin, c’est de comprendre les forces qui nous animent, à partir de là on a la possibilité de faire quelque chose. Le pouvoir de l’imagination est aussi un espace de liberté : les jeunes savent qu’ils sont au théâtre. Ils racontent une fiction mais ils peuvent choisir d’y croire.
Quelle est la place de la révolte dans le spectacle ?
C’est une révolte joyeuse mais radicale que je cherche : il s’agit de prendre sa place et de l’assumer de manière joyeuse, de se défaire des injonctions à se justifier, à montrer patte blanche.
Cette révolte se base aussi sur le fait d’accepter l’instabilité des choses. Grandir, de façon saine, ce n’est pas renoncer à ses idéaux, c’est prendre conscience de la
réalité tout en préservant ses idéaux. Il s’agit de naviguer entre ces deux caps, c’est aussi pour cela que j’ai choisi de travailler à partir de l’imaginaire de la mer. Comme l’explique la philosophe américaine Susan Neiman, on nous dit que "grandir c’est devenir réaliste, c’est accepter qu’il n’y a pas de marge de manœuvre et qu’on
ne peut rien changer au monde". C’est une approche très cynique. A l’opposé, la pensée simpliste et dogmatique n’est pas forcément plus constructive. Il y a un espace entre les deuxoù on peut redonner un sens vivant et viable au mot Utopie.
Dans le spectacle, il y a des personnalités et des parcours différents, comment travaillez-vous ensemble ?
J’ai d’abord pris beaucoup de temps pour trouver les jeunes du spectacle (plus de trois ans) et j’ai également pris le temps de les rencontrer. C’est important
pour moi d’être dans une vraie rencontre et de bien les connaître car j’écris pour eux. L’exercice représente un défi de taille mais c’est très amusant à faire. Sur le plateau, j’avance avec eux couche par couche, j’essaie de voir ce que chacun dégage naturellement et je rajoute les règles du jeu petit à petit.
Habiter la scène ensemble est déjà tout un processus. D’emblée, je leur dis qu’on n’est pas là pour faire du "Théâtre" avec un grand T. Je recherche plutôt la simplicité et l’organicité. Néanmoins le projet est très écrit.
J’ai un canevas de départ, fait de questionnements et d’idées liés aux sensations que je veux toucher, aux révoltes que je veux évoquer, qui laisse assez de liberté dans la structure. Mon envie est d’explorer l’adolescence et de créer un objet artistique offrant la possibilité de revivre cette période de façon plus constructive et joyeuse. On a de nombreuses discussions avec les performeurs et performeuses. Ces échanges viennent alimenter le scénario avec des mots, des phrases qui leur sont propres. Néanmoins je développe dans mon écriture une langue qui dépasse la reproduction du réel. Les jeunes personnages se servent de mots souvent utilisés
par les adultes (sans que ceux-ci n’en saisissent tout à fait l’essence).
Après avoir été publiquement disséqués ces mots rejoignent petit à petit le vocabulaire du spectacle, porteurs d’un nouveau sens. Ce jeu sur les formules langagières se développe tout au long de la représentation et participe à sortir le texte d’un rapport réaliste au langage.
La structure du spectacle n’est pas linéaire. Les jeunes jouent à se raconter des histoires et testent le pouvoir de leur imagination. Mais il n’y a jamais de
retour en arrière. On ne peut que compléter la fiction, jamais la transformer.
Au début du spectacle, un jeune nous dit :« Tout ce que je dis ici n’est pas forcément vrai. Parfois c’est vrai mais principalement c’est de la fiction. C’est
le metteur en scène qui a écrit ces mots. Et moi je les dis comme si c’était mes mots. C’est du théâtre. » On joue ainsi sur ce rapport entre la réalité
et la fiction : quel est le rôle que je veux jouer ? Est-ce que je peux devenir qui je veux ? Et est-ce que je peux jouer le personnage que je veux ?